Vendue à plus de 10 millions d’exemplaires, sa série « Les Légendaires » caracole en tête des ventes de BD jeunesse. Pour autant, Patrick Sobral n’a pas cédé aux sirènes de la capitale : depuis Limoges, l’auteur continue de séduire son public.
C’est peut-être la question que tout le monde vous pose, mais… Comment devient-on auteur de bande dessinée ?
Pour ma part, j’ai commencé ma vie professionnelle en tant que décorateur sur porcelaine — difficile de faire plus « limougeaud » ! En parallèle, depuis très jeune je dessinais des bandes dessinées, dans le style manga, mais je me suis longtemps dit que ce n’était pas possible d’en vivre.
En 1999, les éditions Tonkam ont lancé un concours visant à publier des amateurs dans un recueil de bandes dessinées. J’ai décidé d’y participer et, à ma grande surprise, ma nouvelle intitulée « Dynaméis » a été sélectionnée. Ça a été une première reconnaissance de mon travail, et un vrai déclic : quelques mois plus tard, j’ai quitté la fabrique de porcelaine et commencé à démarcher des maisons d’édition pour réaliser mon rêve. À l’époque, mon univers de prédilection était plutôt l’horreur, mais j’ai décidé de m’orienter vers un genre plus populaire, la fantasy pour enfants. C’est ainsi que sont nés « Les Légendaires ».
Comment expliquez-vous le succès des « Légendaires » ? La série a fêté ses 20 ans en 2024 !
Pour être tout à fait honnête, si on m’avait dit, il y a 20 ans, que cette série connaîtrait un tel succès… Je n’y aurais pas cru. Elle comporte maintenant de nombreux tomes et sous-collections, sans parler des produits dérivés : encore aujourd’hui, ça me paraît incroyable, sachant que c’était l’un de mes tous premiers projets BD en tant que professionnel.
Au départ, je pensais faire quelques tomes et revenir à la BD horrifique. Mais je me suis véritablement attaché à l’univers des « Légendaires ». Autant que le public ! Ce qui me fait particulièrement plaisir, c’est de voir les générations de lecteurs se succéder. Je crois que la fantasy a ce pouvoir incroyable d’être universelle.
Avec le succès des « Légendaires », n’avez-vous pas été tenté de changer d’horizon ? Beaucoup d’opportunités dans les domaines artistiques sont sur Paris…
En ce qui me concerne, je suis né à Limoges. C’est une ville qui m’est chère et où je me sens bien. Elle est suffisamment dynamique en termes d’activités culturelles et de loisirs, tout en offrant un cadre calme et convivial. Une qualité de vie idéale pour exercer mon métier, qui est de dessiner et d’imaginer de nouvelles aventures.
Au début de ma carrière, je devais monter régulièrement sur Paris, mais je n’ai jamais eu particulièrement envie d’y déménager. Avec le recul, je peux maintenant dire qu’être resté dans la région ne m’a pas empêché de poursuivre mes projets, bien au contraire ! Pour preuve : un film d’animation adapté des « Légendaires » est prévu pour 2026, et j’ai eu la chance de participer à l’écriture du scénario. C’est une formidable aventure, que je vis toujours depuis Limoges.
Trouvez-vous que Limoges a évolué ces dernières années, en tant que ville créative et culturelle ?
Absolument ! Cela peut paraître un peu anecdotique, mais lorsque j’étais jeune, l’arrivée de la Fnac avait été un petit événement. Depuis, la ville a connu une vraie transformation, notamment d’un point de vue culturel. Désormais, nous avons un zénith et une belle offre en matière de spectacle vivant — le nombre de théâtres et de cafés-théâtres est assez impressionnant. Pour parler d’un événement que je connais bien, il y a aussi le festival littéraire « Lire à Limoges », où j’ai plaisir à me rendre chaque année.
Aujourd’hui, vous êtes une référence pour toute une génération. Que diriez-vous à un jeune artiste ou auteur qui se demande s’il peut s’épanouir à Limoges ?
Je ne peux pas parler pour tous les métiers artistiques, mais en ce qui concerne celui d’auteur de bande dessinée, Limoges est parfaite : il suffit d’avoir une bonne connexion internet. À l’époque de mes premières BD, il fallait numériser les planches de dessin et les envoyer par CD ou clé USB. Aujourd’hui, tout se fait en ligne. Je n’ai plus besoin d’aller à Paris pour rendre visite à mon éditeur, même lorsqu’il s’agit de signer mes contrats.
Et puis, on ne manque pas de bons restaurants et de jolis coins pour flâner ! Ce que j’apprécie tout particulièrement pour m’aérer l’esprit après une journée passée à dessiner.